Bienvenue à toi

Bienvenue à toi

Début de mon dernier roman ....

                            PROLOGUE

 

 

 

 

Dans un grand parc arboré, un homme à moitié nu tourne lentement autour d'une fontaine. Cet homme à l'air déterminé, obstiné comme un saumon qui remonte la rivière. Il a l'air habité, mystique, digne d'un derviche en pleine transe.

L'énergumène à l'air de vouloir remonter le temps en tournant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

Léger, sans l’ombre d’une fatigue quelconque, il tourne comme ça depuis combien de temps ? Personne ne peut le dire.

La pluie n’a pas l’air de le perturber. Il doit certainement se dire qu'il peut le faire, remonter le temps n'est pas facile, mais ici, c'est possible, il peut y arriver. Il a tellement essayé auparavant sans succès qu'aujourd'hui il va encore faire une tentative pour repartir à l'envers.

Les quelques passants qui traînent autour de lui ne le regardent même pas. L’originalité ne fait plus fureur par ces lieux, par ces temps.

Cet homme qui donne l’impression de surgir de nulle part arbore une coiffure épaisse, longue, ondulée, poursuivie par une barbe de cent jours.

Une femme menue arrête son pas devant lui.

L'énergumène marche à une trentaine de mètre d'elle. La petite créature vêtue de blanc ne peut plus le quitter du regard. Ses yeux, d'une couleur quasi surnaturelle, exacerbée par la pâleur de son teint fixent un endroit précis. Les arbres avec le petit vent qui nait, frissonnent.

Cette femme d’une cinquantaine d’année semble être restée conditionnée par un phénomène de mode des années 1980. Elle a les cheveux très courts et porte en stigmate de sa jeunesse une androgynie qui lui donne des airs de David Bowie période berlinoise. 

Les gouttes qui s’arrachent des baleines de son parapluie clapotent sur son visage blanc et frêle. Elle reste sur place hallucinée, baisse le parapluie et finit de se faire arroser, perplexe. Que dire, que faire devant ce spectacle !

Elle a l’impression que cet homme est accroché à un tourniquet invisible, tellement les cercles qu’il décrit sont réguliers. Au bout de quelques minutes dans le froid, elle se décide à rompre le charme et s’avance vers lui. Elle traverse l'allée gravillonnée dans un craquement lugubre et se met sur la trajectoire de l'homme. Elle monte sur la margelle de la fontaine. Le centre de celle-ci est orné d'un gros poisson qui crache l'eau de trois jets puissants.

Maintenant elle est là ! Elle se tient sur l’orbite de l’individu et s’attend à une collision imminente. Sa peau moite et flétrie par le froid et la pluie, capte des vibrations étranges. Excitée, elle est persuadée que c’est le rendez-vous de sa vie. Elle avait connu des cas difficiles, mais lui c'était différent il avait quelque chose dans le regard que les autres n'avaient pas.

Il est maintenant diamétralement opposé à elle. Elle sait qu’il ne peut pas aller plus loin et attend docile et sereine le moment de la percussion. Ce moment est proche. Il a presque finit son demi-tour et revient vers elle ! À l’instant ultime du choc, elle ferme les yeux !

Rien ne se passe ! Rien ! Elle reste encore comme ça, dans la même posture sous la pluie, les yeux fermés. Les gouttes occupent son visage et lui procurent un picotement régulier, agréable, une sensation qui la maintient dans une sorte d’état second. Comme les balais d’essuie-glaces dans une tempête ses cils évacuent le crachin par le coin des yeux, ses paupières se rétractent, le blanc apparait, le bleu aussi.

La silhouette de l’homme se dessine lentement devant elle. Elle est en face d'un être, luisant, comme ciré, tellement que l’eau glisse sur lui. Elle a l’impression d’être devant Conan le barbare ! Compte tenu de la petite taille de la fille en blanc, la relativité est importante, l'homme est grand mais sans plus !  

Epoustouflée par cet être si puissant et si délicat à la fois, elle se sent bien ! Bien comme elle ne l’a jamais été. Le Cro-Magnon moderne la transperce du regard, ils sont si proches maintenant que leurs lèvres palpitent. Un regard de pierre la transperce, elle se laisse faire… Toutefois une chose la gêne vraiment, c’est le souffle chaud de l’homme qui lui arrive par bouffées. C’est une odeur particulière, une odeur du temps passé chargée de moisissure, qui lui donne l’impression d’être à la porte d’une porcherie !

Inconsciemment malgré cette répugnance, elle détecte chez lui quelque chose de familier quelque chose qui lui fait dire qu'elle le connaît. Il l’impressionne et en même temps la rassure ! Cette sensation bizarre la tétanise, elle ne sait plus quoi faire et essaie de parler.

Il passe lentement le dos de sa grosse main sur le front. Elle ne dit plus rien, elle ne réfléchit plus, le temps s’écoule…Déjà une demi-heure est passée, et autour de la fontaine de plus en plus de gens marchent, désordonnés comme des électrons libres. La petite femme observe le manège autour d’eux avec curiosité…..

Ils se trouvent isolés dans un espace protégé en quelque sorte, dans l’œil d’un cyclone particulier entouré de toutes sortes de particules humaines. Elle ne regarde pas le colosse quand il lui caresse le front, et fait de petits mouvements de tête en direction des gens, comme un signal de détresse mais elle sait que personne ne fera rien, personne n’a l’air de faire cas de la situation.

La petite main entre dans la grosse, la finesse entre dans la rugosité, le réel entre dans le fantastique. Un courant s’établit à ce moment comme si l’homme était une extension de son corps, elle reste coite, bouche bée !

Elle tente de le bouger en tirant sur son bras mais rien n'y fait. Quelques secondes plus tard, alors qu’elle ne sait plus comment faire, l'homme commence à se dégager de son cercle infernal et la suit comme un animal de compagnie… 

 



24/10/2012
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